PubGazetteHaiti202005

Rapport du groupe d’experts-Sanctions: Ariel Henry promet que la justice haïtienne ne restera pas les « bras croisés »

Ariel Henry, premier ministre

En conférence de presse hier à l’aéroport Toussaint Louverture, le premier ministre Ariel Henry a salué le rapport rédigé par le groupe d’experts de l’Organisation des Nations Unies, épinglant plusieurs personnalités politiques dont l’ancien président Michel Martelly. Dans la foulée, il promet que la justice haïtienne ne restera pas les bras croisés.

C’est pour la première fois qu’il intervient sur le sujet. Ariel Henry, premier ministre d’Haïti, à cette conférence dit prendre acte de la transmission du rapport du groupe d’experts au Conseil de sécurité, relatif aux sanctions « contre ceux qui financeraient et supporteraient les activités des gangs en Haïti ou encore qui se livreraient à des actes de corruption. »

« Nous avons tous conscience que la situation sécuritaire de notre pays est complexe et se dégrade jour après jour. Il faut une solution définitive à cet état de fait. Certains pays, plus particulièrement les Nations Unies, ont compris la nécessité et l’urgence de prendre des sanctions en vue d’aider à résorber la problématique des gangs et à diminuer, voire éradiquer la corruption», a commenté le premier ministre Ariel Henry.

Après la transmission de ce rapport, Ariel Henry indique que Haiti ne fera pas fi des sanctions des Nations Unies. « Le Conseil de Sécurité des Nations Unies décide qu’il va prendre des sanctions contre des personnalités. Nous en tant qu’Haïtiens, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Au niveau du gouvernement, il y a des réflexions pour voir, avec des soutiens internationaux, comment nous organiser face à cette nouvelle situation », soutient Ariel Henry, estimant que le pays ne peut pas passer outre des décisions du conseil de sécurité de l’ONU. 

« Haïti ne peut pas être un pays paria, ce qui veut dire un pays qui est en dehors des résolutions du Conseil de Sécurité », précise-t-il.


Le rapport du groupe d’experts indexe plusieurs personnalités haïtiennes qui, selon le rapport, ont contribué dans la dégradation du climat sécuritaire en Haïti. Le Groupe d’experts dit avoir des preuves selon lesquelles Reynold Deeb, responsable du Groupe Deka, finance des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer le transport des marchandises qu’il importe. 


« En 2017, M. Deeb a payé un chef de gang afin de pouvoir mener ses activités dans l’un des principaux ports. Plus récemment, d’après plusieurs sources indépendantes, M. Deeb a utilisé des membres de gangs pour faire pression sur certains douaniers du port afin que ses conteneurs ne soient ni inspectés ni interceptés, ce qui lui a permis d’éviter certains droits d’importation. Enfin, comme le G9 contrôle la zone autour du port de l’Autorité portuaire nationale et les routes qui y mènent, M. Deeb, comme d’autres grands importateurs, paie les gangs pour que sa marchandise passe par leur territoire », révèle le groupe d’experts.

Selon le document, entre septembre et décembre 2019, le phénomène du pays lock a été appuyé par Reynold Deep et d’autres acteurs économiques qui soutenaient l’opposition politique, instigatrice de l’initiative. 

Avec ce phénomène de Pays Lock marqué par la paralysie des activités économiques, la demande en produits alimentaires a explosé et en bon opportuniste , selon le groupe d’experts, M. Deeb, a soudoyé des députés, qui ont ensuite « payé des chefs de gangs pour que ceux-ci dispersent les manifestants pour débloquer les rues afin de permettre l’entrée de ses marchandises dans le pays. »


Michel Martelly 

Ce document épingle aussi l’ancien président de la République Michel Joseph Martelly. Selon le groupe d’experts, ce dernier s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique.


« Le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, M. Martelly a financé plusieurs gangs, tels que Base 257, Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine, notamment en leur fournissant des fonds ou des armes à feu. D’après plusieurs sources, M. Martelly a créé la Base 257, qui a été financée et armée au fil du temps pour empêcher les manifestations contre le pouvoir à Pétion- Ville, notamment à partir de 2014 », explique le document.

Qui pis est, Martelly s’est servi de certains intermédiaires que ce soit des fondations ou des membres de sa garde rapprochée, pour établir des relations et négocier avec d’autres gangs. « Ainsi, Arnel Joseph, l’ancien chef du gang de Village de Dieu, a déclaré qu’il s’entretenait régulièrement avec un intermédiaire travaillant dans l’unité de protection rapprochée de M. Martelly, ajoutant que cet intermédiaire lui donnait des armes à feu et d’importantes sommes d’argent. Dans une vidéo, Ti Lapli, l’un des chefs actuels de Grand Ravine, explique que l’ancien Président a remis à Tet Kale (ancien chef de Grand Ravine) un fusil Galil 5,56 mm appartenant à la police et un fusil de même type à Chrisla, chef du gang Ti Bois. Après l’assassinat de Tet Kale, Ti Lapli a récupéré l’arme », détaille le document.

Prophane Victor

Un autre nom indexé dans ce document est Prophane Victor, ancien député de Petite Rivière, dans le département de l’Artibonite. Selon le document, pour assurer son élection en 2016 et son contrôle sur la région, M. Victor a commencé à armer des jeunes de Petite Rivière. Cette démarche a finalement abouti à la création du gang Gran Grif, actuellement le plus important du département de l’Artibonite et principal responsable des violations des droits humains, y compris de violences sexuelles. 

« M. Victor a continué à soutenir Gran Grif jusqu’en 2020, date à laquelle le gang et lui se sont brouillés à la suite de promesses non tenues faites pendant la période électorale. Depuis, il soutient des gangs rivaux et des groupes d’autodéfense dans la région. Outre les éléments de preuve recueillis par le Groupe d’experts, M. Victor fait l’objet de sanctions par le Canada depuis juin 2023 », soutient le document.

Youri Latortue

Le document mentionne le nom de l’ancien président de l’assemblée nationale Youri Latortue qui, selon le groupe d’experts, exerce un contrôle considérable dans le département de l’Artibonite. « Plus récemment, des sources confidentielles ont dit au Groupe d’experts que M. Latortue avait également financé le gang Kokorat Sans Ras. M. Latortue a eu recours à des gangs pour assurer sa protection rapprochée et détruire des biens. Le Groupe d’experts a récemment reçu une vidéo dans laquelle Barbecue, le chef de gang, déclare que M. Latortue lui avait remis 30 000 dollars », détaille le document qui rappelle que Youri Latortue a été aussi sanctionné par le Canada.

 

Romel Bell


D’autres noms sont aussi mentionnés dans le rapport du groupe d’experts comme l’ancien directeur général de l’administration générale des douanes Romel Bell. Selon le document en question, M. Bell a commis et encouragé de 2018 à 2022, la fraude fiscale et d’autres infractions financières, dont des transactions bancaires suspectes.

« M. Bell a toléré un système corrompu qui a compromis les processus de contrôle douanier, ce qui a eu un impact non seulement sur les recettes douanières, mais aussi sur la capacité des douanes d’empêcher le trafic de marchandises illicites, y compris d’armes et de stupéfiants, à destination et en provenance du pays, portant atteinte ainsi à la sécurité et à la stabilité d’Haïti. M. Bell, outre de faire l’objet de sanctions décrétées par un État Membre, fait partie de plusieurs responsables gouvernementaux en poste ou pas à qui il est interdit de quitter le pays en raison d’enquêtes liées à des détournements de fonds », lit-on dans le rapport. 

 

 


Par: Daniel Zéphyr

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